Oraison funèbre de Louis Capet, dernier roi des Français,

prononcée par le

PERE DUCHESNE

En présence des braves Sans-Culottes de tous les départements. Sa grande colère contre les calotins qui veulent canoniser ce nouveau Desrues,et vendent ses dépouilles aux badauds pour en faire des reliques.

Capet est enfin mort, foutre. Je ne dirai pas comme certains badauds, n'en parlons plus. Parlons-en au contraire, pour nous rappeler tous ses crimes et inspirer à tous les hommes l'horreur qu'ils doivent avoir pour les rois. Voilà, foutre, ce qui m'engage à entreprendre son oraison funèbre, non pour faire son éloge ou adoucir ses défauts, mais pour le peindre tel qu'il fût et apprendre à l'univers, si un tel monstre ne méritait pas d'être étouffé dès son berceau. Je transcris mot pour mot le discours que j'ai prononcé en présence de la crème des républicains. Lisez et frémissez, foutre.


Quel est le vil Français qui veut avoir un roi ?

S'il en est un, qu'il parle, et qu'il s'adresse à moi.

Voltaire, Mort de César.


CITOYENS,

Vous n'êtes pas assez jean-foutres pour écouter des mensonges et des flagorneries, je ne suis pas foutu non plus pour vous en débiter ; c'est donc la vérité pure qui va sortir de ma bouche, et c'est la première fois qu'on l'aura entendue dans une oraison funèbre, et, surtout dans celle d'un roi, foutre. A la mort de ces tyrans les ci-devant grands aumôniers, les archevêques, les évêques, tous les cordons bleus de la calotte allaient déterrer dans les greniers, de pauvres auteurs crottés pour leur fabriquer un beau discours en l'honneur du prince trépassé. Le cuistre en habit noir inventait mille mensonges, que monseigneur le prélat apprenait ensuite par coeur, et débitait effrontément. Chaque mot était un blasphème contre la raison, en un mot, c'était ni plus ni moins que les comptes bleus dont le vertueux Roland fait tapisser les rues par les griffoniers qui sont à ses gages. Le roi défunt avait-il été un ivrogne fieffé, le cafard mitré soutenait qu'il n'avait bu que de l'eau toute sa vie, avait-il été un putassier dévergondé, c'était la sagesse même, avait-il fait égorger des milliers d'hommes, on le représentait comme le plus humain et le plus pacifique des monarques, avait-il mis le pauvre peuple à sec à force d'impôts et de grugeries, on ne craignait pas de vanter sa bienfaisance et son humanité.

C'est pour venger l'honneur des Français, d'avoir pu entendre si longtemps de pareilles sottises, foutre, que je vais parler enfin d'un roi, dans les termes qu'il convient. Quand je vous aurai retracé la vie et les actions de Louis Capet, dernier roi des Français, républicains qui m'entendez, il n'en est pas un de vous qui ne s'écrie avec le Père Duchesne.

Ce monstre était fils de Louis, dauphin, fils de Louis XV ; il est bon de faire en passant le portrait du père, et de vous dire un mot sur toute cette foutue famille ; afin de vous faire connaître ce que c'était que ce sang royal, que nos imbéciles aïeux croyaient plus pur que celui des autres hommes. Louis XV, le plus paillard et le plus crapuleux des hommes, comme vous savez, après avoir cocufié tous les princes, ducs et marquis de sa cour, après avoir à l'exemple du saint homme Lot, forniqué avec ses filles même, donna ensuite dans la bourgeoise. La fille d'un boucher, nommé Poisson qu'il fit marquise, enfin la fameuse Pompadour gouvernait l'Etat sous le nom du foutu roi de carreau. Tous ceux qui voulaient avoir des places, des grâces, des honneurs, étaient obligés de baiser le coude de cette coquine, et de lui graisser la patte. Pendant que la gueuse bouleversait le royaume et suçait le peuple jusqu'à l'eau rousse, le dauphin mangeait du fromage de voir vivre si longtemps son père, est-ce qu'il ne crèvera pas bientôt de ses débauches, disait-il, du train qu'il y va quand je régnerai je n'aurai plus que de l'eau à boire, il faut lui donner le coup de pouce.

Le bougre, pour mieux cacher son jeu, fait le bon apôtre, il s'environne de calotins et surtout de jésuites. Il ne parle que du bon Dieu et de la Ste. Vierge et des saints. Faites-moi régner, dit-il, à tous ces évêques et monnayons, et je vous promets de vous protéger de tout mon pouvoir. Ainsi soit-il, répondit la bougre de canaille, vous régnerez monsieur et sous peu de temps. Les jésuites aussitôt préparèrent le poison, aiguisent des poignards. La reine entre dans ce complot et pour la gloire de Jésus, consent à ce qu'on égorge son mari, pour le punir de ses débauches.

Damien est chargé du coup, mais il le manque ; le pot aux roses est découvert ; pour se venger de son fils et de sa femme le roi les fait empoisonner, et les voit tranquillement, ainsi que sa bru expirer sous ses yeux ; pour se venger de son père, le dauphin et la reine, avant que de mourir font perdre le goût du pain à la putain royale. Le roi ordonne d'immoler les enfants de son fils. Ils avalent aussi un potage à l'italienne, mais malheureusement, foutre, la dose était trop faible, et les trois scélérats dont nous venons de raccourcir l'aîné ont survécu.

Elevés dans une si bonne école et formés sur de pareils modèles, on ne doit pas s'étonner de tous les crimes qu'ils ont commis. Les deux premiers ont hérité de l'hypocrisie de leur père et de sa noirceur, le dernier, de tous les vices et de la crapule de son grand-père. Les prêtres dès le berceau ont nourri dans le mensonge et la perfidie celui qui devait régner. C'est d'eux, foutre, qu'il a appris l'art de tromper les hommes, et de cacher un cœur gangrené et une âme de boue sous le masque de la vertu ; mais malgré leurs leçons, foutre, son mauvais naturel s'est fait connaître dès l'enfance. Avant qu'il put se baigner dans le sang des hommes, il immolait de ses mains les animaux. Il tuait de sang-froid le chien qui venait le lécher, il tourmentait avec plaisir les vieillards, les infirmes, les boiteux, les aveugles. Jamais il n'a fait de son propre mouvement une bonne action.

Pour mettre la France à deux doigts de sa perte, il ne lui fallait qu'une femme aussi atroce que lui, une nouvelle Médicis le seconde pour achever de nous détruire. C'est lorsque ce monstre fut roi que son caractère sanguinaire éclata. Pour mieux égorger le peuple il fit semblant de le soulager. Le hasard lui avait donné un bon ministre, il le chassa aussitôt. Il laissa ensuite sa femme et ses frères déchirer les entrailles du pauvre peuple.

A la fin, ne sachant plus de quel bois faire flèches, il assemble les notables, puis les états généraux, mais voyant que les députés de la nation voulaient se rebiffer, il forme le projet de les faire égorger, il entoure Paris d'une armée puissante, pour y porter le fer et le feu. Les soldats refusent d'obéir à ses ordres, le peuple se lève, la bastille est détruite, le capon met les pouces et promet plus de beurre que de pain, on le croit, mais bientôt il affame le peuple, et veut le réduire par la misère.

Amené à Paris avec l'assemblée constituante, il nous prépare de nouvelles farces ? ce n'est plus par la force qu'il cherche à nous vaincre, mais par la ruse, il jure de faire notre bonheur et d'élever son fils en homme de bien, et dans le moment où on y pense le moins, il fout la clef sous la porte, pour aller se mettre à la tête des ennemis de la nation. Il est arrêté, il caponne encore, il séduit avec des flots d'or les représentants du peuple, on lui fabrique une constitution dont il dicte tous les articles ; il jure de la faire exécuter et il conspire ensuite plus que jamais ; il se sert des armes que nous lui mettons entre les mains, pour nous égorger. Il fait passer toutes nos richesses à nos ennemis, après avoir fait égorger les bons citoyens, à Nancy, au Champ-de-Mars, après avoir mis nos colonies à feu et à sang ; après avoir livré la France aux étrangers, il prépare une nouvelle St. Barthélémy. Les victimes sont désignées. Le massacre commence, le sang coule dans son palais. Le jean-foutre va à l'assemblée pour y voir massacrer les patriotes, mais la victoire est à nous ; nous ne voulons pas nous souiller d'un sang aussi impur et nous l'abandonnons au bourreau.

Après un foutu procès de normandie qui a duré quatre mois, et qui a mis tous les membres de la Convention à chien et à chat, justice enfin vient d'être faite. Comme Desrues il a été ferme et dévot jusqu'au dernier moment. En mourant, il s'est flatté que son fils régnerait un jour et le vengerait en faisant tout le mal qu'il n'a pu faire lui-même. Le pape en va faire un nouveau saint ; déjà les prêtres achètent ses dépouilles et en font des reliques, déjà les vieilles dévotes racontent des miracles de ce nouveau saint ; c'est à vous républicains à achever votre ouvrage et à purger la France de tous les jean-foutres qui ont partagé les crimes de ce tyran. Ils sont encore en grand nombre, sa femme et sa bougre de race vivent encore : vous n'aurez de repos que lorsqu'ils seront détruits. Petit poisson deviendra gros, prenez-y garde, foutre, la liberté ne tient qu'à un cheveu.

Hebert.

LE PERE DUCHESNE, n° 212 - janvier 1793


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