Pensées d’un profane anarchiste sur la FM

L’Anarchisme est une philosophie politique rejetant toute autorité et toute forme de pouvoir. Je me déclare Anarchiste. Mais qu’est-ce être Anarchiste ?

Être révolté devant l’injustice humaine ? Militer au sein d’association de regroupements d’anars ? Œuvrer pour la destruction du capitalisme, du pouvoir, des religions ?

Oui, c’est tout cela, mais pas seulement….. Et, cette réflexion sur mes propres opinions va me permettre de faire un rapprochement avec un mouvement pour le moins inattendu, celui de la Franc-Maçonnerie. Grâce à une rencontre fortuite…

 

L’anarchisme est une philosophie de l’individu ; une philosophie de la multiplicité, de la diversité intégrant les différentes individualités, donc les différents devenirs possibles d’une société. La solidarité (la tolérance) est donc sa base, une de ses valeurs intrinsèques. Le mot camarade ou compagnon est beaucoup utilisé par les anars en général.

Mais c’est aussi une philosophie positive pour l’individu.  Elle permet une appréhension du réel régénérant l’Être car combattant toutes les aliénations possibles :  

-          les religions et leurs idéologies totalitaires, culpabilisant et castrant les individualités. Le christianisme, grand inventeur du Libre-arbitre et, par conséquent, de la culpabilité en est l’exemple parfait : chaque homme est libre de ses choix (privilège accordé par le divin ? et puis quoi encore ? On devrait le remercier ?) , donc si chaque homme est libre, il est responsable de ses actes et donc pécheur… Belle rhétorique…. Pourtant, la responsabilité n’est pas une justification devant autrui, elle est affaire de soi à soi…

-          l’État (le Léviathan) qui contrôle la vie des individus et des populations (concept du biopouvoir[1] de Michel Foucault.)   

-          les micro-pouvoirs (ou micro-fascismes) exerçant leurs dominations sur les individus grâce et par les concepts de normes et de valeurs. Comme le disait Foucault (encore ! !), le pouvoir est PARTOUT. Il se retrouve dans la Famille , le Travail, le Couple…

Nous ne sommes pas loin du concept grec du Souci de Soi comme fondement d’une éthique. Par exemple, « le pouvoir ne doit pas être pensé comme loi, mais comme stratégie - la loi n’étant qu’une possibilité stratégique parmi d’autres - la morale comme obéissance à la loi n’est qu’une possibilité éthique parmi d’autres. »  (Foucault)

C’est ici que je peux établir un premier parallèle avec la Franc-Maçonnerie. En effet, cette société philanthropique dit qu’un maçon est « un homme libre, dans une loge libre. »

Un des principes important de la FM est le développement de l’Écoute entre Frères au sein des loges et du principe de liberté d’expression : « Cette liberté d’expression est le fait de la souveraineté individuelle de l’homme qui se forme un jugement en pleine indépendance, sous le seul contrôle de sa conscience. L’initiation ne peut dispenser un enseignement, celui-ci étant d’ordre spirituel ; par contre elle met sur la voie et forme l’individu. »[2]

On retrouve chez l’anarchisme également cette notion de Fraternité (camarades et compagnons).  Chaque individu est un et unique. On a aussi cet amour de la liberté considérée comme Essence de l’homme, cette Liberté qui donne un sens à l’existence humaine. Ce concept de liberté existentielle intrinsèque à la construction individuelle est un des points communs entre l’anarchisme et la FM.

La FM et la pensée libertaire font, malgré les préjugés, but commun : œuvrer pour le progrès de l’humanité et des individus. Leur donner les moyens d’Être…

Pourtant, l’Anarchiste que je suis s’interroge…

D’accord le maçon est « un homme libre, dans une loge libre. »  

Mais pourquoi des « loges », des « obédiences », un « Ordre » ? N’y a- t’il pas un risque pour l’individu de se sacrifier à une « communauté » ?  Étant Anarchiste, je récuse tous ces termes : « communauté ; groupes ; unité ; centralisme ; hiérarchie ; autorité ; dogme ; parti ; Vérité révélée ; Dieu ; Être Suprême ;  etc.…» qui sont synonyme de totalitarisme pour moi.

Comment concilier cet antagonisme apparent ? N’y a- t’il pas un risque de contrôle de la part des Loges sur les individus ? Il faut une structure, mais est-elle hiérarchique ?

Il est vrai que le sectarisme anarchiste existe également… Oser ne pas être d’accord avec les théories anars « purs », parler avec un patron, un républicain, et tu es vite taxé de capitaliste ou de traître…

Pourtant, même si mes opinions ne changent pas, n’oublions pas que derrière chaque façade et chaque fonction, il y a des hommes et des femmes, tout simplement… Le ressentiment gratuit ne mène à rien… 

Je ne mépriserais pas un homme ou une femme parce qu’il serait patron, socialiste, libéral, juge, flic, militaire, communiste…Non… (Raciste et facho, là, il est clair que je ne discute pas….). Je défendrais mes idées, sans mépriser l’autre même si celui-ci l’est avec moi… Ce serait être d’accord avec lui, d’une certaine manière…

Mais, je ne tolère pas qu’un homme contrôle, utilisent et ce sert des autres pour ses propres intérêts… Qu’ils soient économiques, politique, ou autres, un homme n’a aucun droit de dominer un autre homme pour ses intérêts…

"Il n’y a qu’un seul parti qui soit conséquent et qui cherche à supprimer la violence dans les relations entre hommes, en demandant l’abolition de la peine de mort, l’abolition de toutes les bastilles, l’abolition du droit même d’un homme de punir un autre homme. C’est le parti anarchiste"  

Pierre Kropotkine, Conférence faite à Londres 1894 ...

Les groupes anarchistes sont, en grande partie, une association libre de personnes, qui peuvent partir et venir comme elles veulent… Les sectaires et les pseudo-dictateurs existent, mais ils restent minoritaires… La philosophie libertaire fait preuve d’empathie et se bat pour que la société ne soit pas une société « figée », mais en perpétuel devenir. Tant qu’il y aura des conflits, il n’y aura pas de totalitarisme… La pensée libertaire est une pensée pour soi et pour l’humanité. Plus un homme sera libre, plus il pourra aider les autres à le devenir… 

En est-il de même dans la FM  ?

« La franc-maçonnerie, au contraire d’autres mouvements profanes ou pseudo initiatiques, ne veut pas être une école. Elle n’est ni un parti ni une église. Elle ne peut même pas offrir à ses membres une vérité définitive, immuable, dogmatique car elle laisse à ses adeptes le libre exercice de la tolérance. Grâce à la recherche initiatique, le maçon sait se remettre en question, s’interroger et c’est là un facteur essentiel de Progrès. »[3]

La FM est donc une société adogmatique et rationaliste. En cela, elle est proche de la mouvance libertaire. Il n’y a pas de Vérité, mais des vraisemblables multiples. La FM est donc un guide, une méthode pour parvenir à une maîtrise de soi.

Cela est vrai pour les loges dites irrégulières (Françaises) qui reconnaissent « la liberté absolue de conscience ». Les loges dites régulières (plutôt Anglo-saxonnes) quand à elle, demande à croire en Dieu, au Grand Architecte de l’Univers ou au Grand Horloger…

En tant qu’athée, je préfère le principe de « réalité ultime ». Donc, je ne peux me reconnaître dans les loges dites régulières qui sont, malheureusement, la majorité de la FM de part le monde.

Mais, (heureusement pour les anars !), « en 1877, le Grand Orient de France élimina de ses constitutions l’obligation de croire en l’existence de Dieu et en l’immortalité de l’âme. La suppression de 1877 consacra non seulement la rupture définitive de l’obédience française avec la Grande Loge Unie d’Angleterre, mais eut également pour effet de diviser la franc-maçonnerie mondiale en deux grands blocs s’excommuniant mutuellement. D’un côté, une maçonnerie théiste qui prétend détenir l’authenticité et la légitimité ; de l’autre, une maçonnerie progressiste et laïque, souvent agnostique ou athée, qui se dit fidèle à l’esprit de tolérance édicté par Anderson. »

On peut donc retrouver dans la FM l’idéal libertaire. Ce sont peut-être les deux seules pensées qui permettent d’avoir une méthode alternative par rapport aux systèmes actuelles.

En effet, elles permettent toutes deux de redonner sa place à l’Individu. Ce dernier étant constamment étouffé et spolié par les systèmes religieux, politiques, familiaux, économiques qui veulent le contrôler pour mieux l’exploiter.

Ces « communautés égoïstes », qui, au nom de la république, de l’état, de la nation, de Dieu, de l’économie, de la solidarité (une fausse solidarité évidemment), de n’importe quoi en somme, manipulent et exploitent les individus. Ces communautés, donc,  vendent l’illusion d’être ensemble.

 

A mon sens, l’idéal libertaire et l’idéal maçonnique participent, non pour construire des individus à partir de la communauté, mais pour construire une communauté à partir des individus… Et, en cela, la maçonnerie et l’anarchisme se rejoignent…

« Je ne suis vraiment libre que lorsque tous les êtres humains qui m'entourent, hommes et femmes, sont également libres. » Bakounine.

Ce sont les deux seules pensées qui oeuvrent, non pour leur propre idéologie, non pour leur propre « gloire », mais pour l’humanité toute entière, pour l’humain…

A quand une franc-maçonnerie libertaire ?

Samuel



[1] Concept de biopouvoir : au pouvoir qui donne la mort et laisse vivre s'est substitué le biopouvoir qui fait vivre et laisse mourir (État providence : sécurité sociale, assurances, etc.…)

[2]Jean-Pierre BAYARD, Le Symbolisme maçonnique traditionnel, PARIS, Éditions du Prisme, 1974, p.22.

[3] Jean-Pierre BAYARD, Le Symbolisme maçonnique traditionnel, PARIS, Éditions du Prisme, 1974, p.21


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