Poètes en action dans un temps incertain

 

Poésie, art et résistance

 

Nous sommes dans un monde d’immersion des consciences en espaces clos, éclairés d’impuissance et de désespoir. Nous passons au milieu de choses regardant sans voir, parlant une langue codée où les mots errent hors du sens

Humain machinal, nous ne combattons que pour ce qui manque, jamais pour le rêve. Tout passe et se passe sur fond d’absence. Dans les camps de concentration de la modernité, sont nés des non lieux, des non lois, des sans logis, des sans papiers. Ils sont sur le terrain vague avec l’espoir que les portes des camps s’ouvriront, parce qu’ils gardent foi dans leur agir potentiel.

Plus loin, dans d’autres camps, d’autres bannis  du  travail, des réfugiés, des déplacés, des déportés, produits du colonialisme, des guerres, des occupations, du néo-colonialisme. Dans le pillage organisé d’un quart de la planète sur les trois autres quarts, il faut repenser les rapports de l’humanité car les ONG et le commerce équitable ne sont que des solutions de bonne conscience.

Nous avons confondu liberté et abandon, valeurs et injonction : cela s’appelle le vide et tout ce qui demeure de la beauté des choses s’attache d’une lumière amère.

Le monde s’épuise d’un manque de mémoire. Cette amnésie produit les folies  au nom du bien et du mal, celle des destructions de l’humain-sacré, du patrimoine, de la parole collective, celle de la guerre et celle de l’inconscience raisonnée des Etats fous de pouvoirs.

"Un monde se meurt, un nouveau monde tarde à apparaître, dans ce clair-obscur, apparaissent les monstres" (Gramsci)

Nous sommes dans un de ces temps d’obscurité où seule la poésie comme mémoire du temps où les hommes et les dieux habitaient ensemble la terre, peut-être encore un pays de clarté verticale.

Dans "pourquoi des poètes en temps de détresse" Heiddeger cite des vers improvisés de Rilke :

" plus... Ainsi avons nous hors abri,

une sûreté, là-bas où porte la gravité

des forces pures ; ce qui enfin nous sauve,

c’est d’être sans abri, et de l’avoir, cet être,

retourné dans l’ouvert, le voyant menacer,

pour, quelque part le plus vaste cercle,

là où le statut nous touche, lui dire oui"

 

L’être sans abri sauvegarde : face au martyr des peuples en résistance, comment ces hommes et ces femmes résistent dans l’abandon, l’isolement et les drames extrêmes qu’ils vivent ? comment dans cette nuit qui les enveloppent aux yeux du monde, savent-ils maintenir le lien d’universalité, là où sans doute le désespoir les tenaille de le perdre ?

Comment vivre sans ce  lien d’universalité de l’humain ?

Le sens attribué comme événement de l'humain est qu'il humanise. En nous plaçant dans le langage, nous nous déplaçons dans le paradoxe du langage et humanisons l'humain.

La poésie n’appartient pas aux poètes, elle est ce qui nous reste quand nous avons les mains vides, elle est notre regard quand nous avons traversé beaucoup de larmes, elle est cet homme qui se dresse sur les gravats des bombes l’ultime poème de son corps, elle est cet être qui crie au milieu des tortures : "je suis un être humain", elle est cet oiseau adolescent qui désigne l’air, la liberté.

La  "souffrante"  intérieure, extérieure de chacune, de chacun à son espoir, doit et peut rencontrer en l’intervention poétique à tous les niveaux de l’existence, l’occasion de l’énonciation et du partage d’autres possibles que la résignation, l’abandon, l’éloignement infligés par le bruit assourdissant du seul verbe des grandes surfaces de l’ennui de la vie. La poésie peut être une arme de libération, les continents qu'elle partage avec l'utopie sont à portée d'exigence. Elle n'est pas une pensée sur la vie mais une présence du vivant. Elle prévoit de l'avenir ce qu'elle en réclame, si le monde ne l'effraie pas  c'est qu'elle le forge autrement qu'il est.

Nous sommes protégés par  la résistance des peuples, mais cela ne réduit en rien notre dette à l’égard de l’humain et de la vie, cela ouvre de nouvelles dimensions à la réflexion et à l’action et cela éclaire aussi notre nuit. Parce que la poésie sort les mots de l'exil où on les avait placé au nom d'une "communication" sans appel, parce que des rencontres étonnantes, déroutantes entre ces mots selon des itinéraires qui ne sont plus tout tracés sont rendus possibles par la poésie, les intempéries du regard et de la parole de ce siècle commençant, annonce et poursuit peuvent espérer et voir le versant d'autres mondes qui veulent vivre, entendre et voir depuis et au-delà de leurs plaies.

Les génocides inscrits dans l'histoire rappellent que ce siècle moderne dépossède  l'humain du feu , de l'onde et du vent, pourtant la résistance a un nom, des héros qui ne sont ni personnages de roman, ni dieux mythiques, mais la réalité d'un combat ancré dans la conviction ; ce combat a de tout temps été véhiculé par la poésie : à ce moment précis où les poètes savent qu'ils doivent écrire et laisser de leurs traces une sagesse, un patrimoine, une mémoire autre que les traces du désert de l'homme, il nous faut construire en pensant au féminin car nous sommes tous dans la dormition des martyrs et plongeons nos yeux dans la passion de celles qui sont à leur côté, comme en un miroir à la recherche de notre propre visage. Des femmes aux yeux calcinés de révolte attisent un temps celui de la parole. Seul scandale l'Enoncé de la conscience. Elles sont cercle et regardent les mondes. Il faut vivre de l'exil et être l'exilée du mot d'une syntaxe éventrée.

Dans ce temps incertain de la propagande et de la désinformation, des poètes ont décidé de s’unir pour briser les murs de silence face aux évènements et aux faits graves qui parviennent de Palestine, d’Angola, d’Afghanistan d’Haïti ou en Occident. Face au terrorisme des Etats, chaque poète, chaque citoyen porte cette part de responsabilité individuelle et collective face aux dangers qui menacent l’humanité. Nous appelons les poètes à s’engager comme n’importe quel citoyen de la société civile, à nous rejoindre dans les actions poétiques que nous engagerons par le biais de la poésie : écrits, lectures, débats afin que les condamnés, les humiliés, les battus à mort et les bannis, qui ont aussi notre visage, trouve un écho et un espoir réciproques comme humains qui se reconnaissent.

 

Le texte de ce manifeste a été co-écrit par Chantal Robillard, Geneviève Clancy, Nicole Barrière, Philippe Tancelin et Rebecca Gruel

 

Vous pouvez nous contacter :

 

Nicole Barrière nicole.barriere@libertysurf.fr ;

http://perso.wanadoo.fr/bris-de-vers/

10 rue ingénier Keller 75015 Paris. 01 45 75 70 24 et 06 77.33 35 06

 

Geneviève Clancy

4 rue Legoff 75005 Paris

01.43.54.03.26

 

 


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