Qu'est la libre pensée ?

Et que signifie l'appellation

"LIBRE PENSEUR"[1]

Maurice Manoukian

Président de l'AVLP

Aujourd'hui, en ce début du XX siècle de notre ère dite chrétienne, en pleine évolution de l'information par la radio, la télévision, l'informatique, si vous posez ces deux questions à l'homme de la rue, ce sera, pour une grande majorité d'entre eux, l'ignorance la plus complète. Beaucoup de personnes ne savent pas qu'il existe en Suisse et dans le monde des associations de libres penseurs.

Pour la minorité qui sait qu'il existe en Suisse un mouvement de la libre pensée, il s'agit dans son esprit d'un mouvement anticlérical, sinon antireligieux, vaguement comparable à un mouvement marxiste, dont les membres se réunissent pour attaquer les valeurs religieuses et pour bouffer du curé.

Même de nos jours, le terme "libre penseur" garde pour certains quelque chose d'agressif. Les uns le lancent plus ou moins comme un défi, les autres l'accueillent avec une ironie souvent hostile. Pourtant, comme nous allons le voir, il n'y a rien en lui qui justifie de tels sentiments.

Mais penchons nous tout d'abord sur les origines de la " libre pensée ".Certains dictionnaires ne parlent pas de l'expression "libre pensée". Ils ont sans doute estimé, peut être, que c'était un pléonasme, car en effet, il n'est pas possible que la pensée ne soit pas libre...

Il y toujours eu des libres penseurs, selon le sens que l'on attribue généralement à ce mot, mais on leur donnait des noms divers. On les appelait "incrédules, incroyants, païens, athées", même lorsqu'ils croyaient en un Dieu comme ce fut le cas de Michel Servet.

Au XVIII siècle, les libres penseurs étaient dénommés : " philosophes, voltairiens, sceptiques ou encore esprits forts ".

Un historien anglais dit que le terme "libre pensée" avait été appliqué vers 1667 à l'académie des sciences de Londres. Vers 1714, peu à peu, la question religieuse devint le sujet des discussions. Le terme " libre penseur " fut une sorte de réaction contre certaines phrases des doctrines traditionnelles en religion.

COMMENT EST NÉE LA LIBRE PENSÉE ACTUELLE ?

Face à un dogme, ou devant l'énoncé d'une superstition un homme s'est dressé, il agissait en libre penseur. RAPPELEZ VOUS !

Socrate qui, quatre siècles avant notre ère, pousse la jeunesse vers la réflexion personnelle : il est condamné à mort.

Aristote commit l'imprudence de discuter le bien-fondé de la religion; accusé d'impiété, il ne doit son salut que dans l'exil.

En l'an 408, une loi en France interdit toutes discussions religieuses.

Au moyen Age, les hommes qui osent réclamer la liberté de pensée sont poursuivis, traqués et brûlés vifs par la chrétienté.

En 1546, Etienne Dolet, imprimeur courageux, diffuse des idées d'avant-garde, sur la liberté de pensée et l'Eglise le pourchasse; il est brûlé vif à Paris place Maubert.

En 1553, en Suisse, Michel Servet, traqué par les catholiques fut brûlé à Genève. Il s'était réfugié dans cette ville, se croyant à l'abri des foudres des catholiques, mais Calvin, fit exécuter la condamnation papale, c'était en somme de l'oecuménisme avant l'heure. Le protestantisme ne croyait plus à certains dogmes catholiques, mais ayant la Bible comme fétiche, il était aussi loin de la liberté de pensée et de la tolérance que le catholicisme autoritaire. Aussi, c'est peut-être en mémoire et en l'honneur de cet acte sanguinaire, que de nos jours encore, l'on nomme Genève, la ville de Calvin.

Plus tard, en 1628, William Harvey démontre la circulation du sang. Furieuse de ne pouvoir attribuer à Dieu cette découverte, l'Église dit NON. Mais étant médecin du roi, William Harvey aura la vie sauve, c'est alors qu'un bizarre cambriolage fait disparaître ses précieuse notes de travail.

N'oublions pas d'ajouter Galilée, qui succédant dans les travaux de Copernic, fit les découvertes sur la rotation de la terre. L'Église menaça et Galilée dut se renier.

En 1766, le jeune Chevalier de la Barre refuse de saluer une procession; l'Église l'accuse de mauvaises lectures et lui arrache la langue avant de le brûler vif. Puis ce fut Diderot qui expose dans son encyclopédie, la somme de la connaissance objective; l'Église dit NON et Diderot est mis en prison, son encyclopédie est poussée au pilon.

MÊME DES HOMMES D'ÉGLISE ONT SU CONFONDRE LES DOGMES

Je vous citerai deux théologiens:

Le curé Meslier, (1664- 1729), prêtre dans les Ardennes à Etrepigny, qui, il y a plus de deux siècles, posa cette question: Pourquoi adorer cette chimère ?

Il travailla dans l'ombre sans pouvoir publier aucun écrit pour ne pas subir les rigueurs de la discipline ecclésiastique. Dans ses oeuvres posthumes, on trouve ce texte:

"Mes chers amis, comme il ne m'aurait pas été permis et qu'il aurait été d'une trop dangereuse et trop fâcheuse conséquence de dire ouvertement pendant ma vie, ce que je pensais de la conduite et du gouvernement des hommes, de leurs religions et de leurs moeurs, j'ai résolu de vous le dire après ma mort. Ce serait bien mon inclination de vous le dire de vive voix avant que je ne meure, si je me voyais proche de la fin de mes jours et que encore pour lors, l'usage de la parole et du jugement. Mais comme je ne suis pas sûr d'avoir, dans ces derniers jours, le temps et toute la présence d'esprit qui me seraient nécessaires  pour vous déclarer alors mes sentiments, c'est ce qui m'a fait maintenant entreprendre de vous les déclarer ici par écrit, afin de tâcher de vous désabuser, au moins tard et autant qu'il serait en moi, des vaines erreurs dans lesquelles nous avons eu tous, tant que nous sommes, le malheur de naître et de vivre". (Fin de citation).

La libre pensée considère le curé Meslier comme un de ses prestigieux pionniers, un remarquable démystificateur et un courageux éducateur.

Au XVIII siècle, Voltaire qui en fut le roi intellectuel, était aussi un libre penseur. Il était le roi de la pensée antireligieuse, la bête noire des cléricaux.

Au XIX siècle, l'instituteur Pierre Larousse réussit à écrire son dictionnaire "le Larousse", qui nous est presque indispensable aujourd'hui. Larousse était un libre penseur, tout comme Littré, Quillet, Lalande. Aussi aujourd'hui, si Monsieur le Curé ou Monsieur le pasteur sont dans le doute sur certaines choses, ne leur en déplaise, ils ouvrent leur petit dictionnaire Larousse et ils s'informent auprès d'un libre penseur.

L'Église trouve des adversaires redoutables parmi ceux qui s'efforcent de donner un tour scientifique à l'histoire des religions. En 1835, la "vie de Jésus", de Strauss, alarme les théologiens et, en 1843, la "vie de Jésus", de Renan, suscite une émotion profonde; on tente d'amortir le coup, mais rien n'empêche l'histoire d'aller de l'avant.

Puis c'est au moment le plus critique de l'affaire Dreyfus, en France, au cours de l'année 1894, que se développe - non seulement dans ce pays, mais dans toute l'Europe- une vaste campagne contre la laïcité et l'action de la pensée libre. Menée par le Vatican qui se sert  des forces politiques, extrémistes ayant intérêt à maintenir le peuple dans l'ignorance pour mieux l'asservir. C'est alors que les libres penseurs ont le sentiment que s'ils veulent sauver la liberté, ils doivent devenir une force organisée. C'est alors que naissent un peu partout des associations de libres penseurs.

Puis il y eut un autre prêtre catholique, Joseph Turmel qui mourut en 1944. Historien des dogmes, après avoir étudié à fond la théologie, il voulut - comme l'amoureux trahi par sa maîtresse - rester dans la prison de la prêtrise en portant la soutane.

Il publia sous divers pseudonymes des écrits qui portèrent de sérieux coups aux religions. Mais l'Église ayant réussi à découvrir l'identité de celui qui se cachait sous les noms de Perrin, Coulange, Dulac, Dupin ou Delafosse, il fut excommunié par Décret du Saint Office qui prescrivait de regarder ce prêtre comme " hérétique que tout le monde doit éviter".

André Lorulot, qui était alors président de la fédération française de la libre pensée, offrit aide et assistance l'abbé Turmel qui participa à la rédaction de la revue "l'idée libre", avec la collaboration de Sébastien Faure.

C'est ainsi que se forment dans les pays francophones les associations de la libre pensée moderne, auxquelles viennent se joindre des hommes illustres comme Berthelot, Anatole France, Ferdinand Buisson, Victor Chardonnet (ancien curé, passé du sacerdoce au rationalisme).

La libre pensée prend corps. Se joignent à elles des écrivains tels que qu'Émile Zola, Romain Roland, Jules Renard, Jules Vallès, Blanqui, Paul Bert, des universitaires tels que Hervet, Painlevé, le professeur Langevin, des hommes politiques comme Clemenceau, Viviani, Aristide Briand, Francis Préssensé, Édouard Herriot. Ces hommes  et tant d'autres ont tous lutté pour la libération de la pensée, son expression et sa diffusion.

Et n'oublions pas le grand Jaurès qui fut un adhérent de la libre pensée et qui disait : "Si, par extraordinaire que ce soit, je me trouverais en présence de Dieu, je n'agirais pas avec lui comme un serviteur devant son maître, mais comme un homme libre qui parle à un être libre et qui doit lui dire ce qu'il pense".

Et dans les années 1950-1970, en Angleterre, Lord Bertrand Russel (Pair d'Angleterre) et qui fut jusqu'à sa mort en 1970, président d'honneur de l'Union mondiale de la libre pensée, et qui sut toujours, même à la chambre des Lords, mettre en application ses actes avec ses idées, et qui disait : "j'affirme en pesant mes termes, que la religion chrétienne telle qu'elle est établie dans ses Églises, fut et demeure le principal ennemi du progrès moral dans ce monde".

Puis, plus près de nous, s'adressant au congrès national de Paris en 19é9, le président d'honneur de la libre pensée, le grand savant Jean Rostand (qui est décédé au début au début de septembre 1977) disait : "Libre pensée, depuis des temps lointains de ma jeunesse, j'ai toujours associé ces deux mots, et j'ai toujours et j'ai toujours cru que leur indissoluble jonction était la condition de tout progrès et de toute lumière". Et d'ajouter "L'homme n'a pas d'autres moyens de connaître que sa raison".

Mais, nous libres penseurs suisses romands, n'oublions pas, le docteur Fulpius, Carls Vogt et James Fazy.

James Fazy, homme d'État genevois, qui tant qu'il gouverna, la question confessionnelle ne se posa pas; mais au fond de cette tolérance, il y avait une totale indifférence à l'égard des cultes et des sectes. Pour sa part, il était fermé à toute croyance surnaturelle. La grandeur de James Fazy a résidé dans la force de sa volonté, dans la hardiesse de ses conceptions, dans la valeur de l'oeuvre politique qu'il lui a été donné d'accomplir.

Et cette liste serait incomplète, si je ne citais pas notre ami Auguste Fornerod,( que beaucoup d'entre nous ont connu),ancien conseiller communal lausannois et ancien député au Grand Conseil vaudois. C'est grâce à lui, que nous pouvons dire qu'aujourdhui, la libre pensée est vivante. En effet, c'est lui, qui a remis notre association sur ses rails après la Seconde Guerre mondiale en 1948. Auguste Fornerod, nous a quitté en décembre 1982, il était membre d'honneur de l'association suisse des libres penseurs. Tous ces savants et tous ces hommes courageux ont, en quelques sorte, créé la libre pensée actuelle.

DE NOS JOURS, QUEL DEVRAIT ÊTRE LE BUT DE LA LIBRE PENSÉE ?

De la libre pensée en général, et de la libre pensée suisse en particulier. La libre pensée est une organisation populaire de recherche philosophique et sociologique qui a pour but de briser les chaînes du conditionnement de la pensée humaine. Antidogmatique, les libres penseurs se heurtent en premier lieu à ceux qui se posent en détenteurs d'une vérité révélée, prétendant tout expliquer par la volonté divine.

LA LIBRE PENSÉE , EST ET RESTERA ANTIDOGMATIQUE.

Aussi il est donc inévitable que la pratique de la libre pensée aboutisse à une attitude antireligieuse et, dans la mesure où les religions cherchent à conquérir le pouvoir temporel à une attitude anticléricale.

Dans sa lutte pour la libération de l'individu et pour l'abolition des contraintes de toutes natures, qui freinent son épanouissement, la libre pensée ne peut ignorer les contraintes économiques qui, le plus souvent alliées aux contraintes cléricales, constituent un obstacle majeur à toute émancipation humaine.

Il est donc logique que la lutte anticléricale et anti-impérialiste soit incluse dans ses déclarations de principes. C'est dans ce sens que la libre pensée peut se dire socialiste. Mais attention ! ne nous trompons pas, socialistes, oui les libres penseurs le sont, mais pas socialistes de partis, mais socialistes à l'état pur, socialistes par l'esprit, et non socialistes politiques.

Au sein de notre mouvement, vous rencontrez un éventail d'opinions allant du communiste au libéral, en passant par le socialiste ou le radical, sans oublier tous ceux, et ils sont nombreux, qui ne font partie d'aucune formation politique.

A la libre pensée, vous rencontrerez, toutes sortes d'hommes et de femmes, allant de l'ouvrier au patron, en passant par le commerçant et le fonctionnaire, sans oublier la ménagère.

Mais tous ces hommes et toutes ces femmes n'ont qu'un seul but : unir leurs efforts pour lutter contre le dogmatisme et non contre d'autres hommes, ils proposent à l'humanité, comme le veut la nature, le vrai par la science, le bien par la morale, le beau par l'art. Tout ceci dans un esprit de grande tolérance et de fraternité.

Aussi, dans sa recherche pour une réalisation d'une société meilleure, en essayant de faire disparaître les inégalités sociales, la libre pensée se refuse d'élaborer une doctrine; elle laisse à ses adhérents le choix de son parti politique, ou de son syndicat. Le libre penseur doit être un socialiste au sens le plus noble et le plus généreux du terme.

LA LIBRE PENSÉE SE REFUSE À CONSIDÉRER LE SOCIALISME COMME UNE FIN

Nous pensons, nous libres penseurs, que le socialisme ne doit être, ni contraignant, ni tyrannique; il doit au contraire rejoindre l'humanisme dans le respect profond de la valeur morale de l'homme. C'est pour cela que la libre pensée suisse doit être indépendante à 1’égard de toutes les formations syndicales et politiques, actuelles ou à venir.

AUJOURD'HUI, AVEC PRÈS DE 100 ANS D'EXISTENCE, QU'ELLE DOIT ÊTRE L’ACTION DE LA LIBRE PENSÉE , POUR ATTEINDRE SES BUTS ?

Dans l'ordre pratique et social, la libre pensée demande et lutte pour la séparation de l'État et de l'Église. Non pas sous la forme d'un partage d'attributions entre deux puissances traitant d'égale à égale, mais en garantissant aux opinions religieuses la même liberté qu'à toutes les opinions, et en leur déniant tous droits d'intervention dans les affaires publiques, et aussi et surtout, dans les affaires privées.

La libre pensée lutte pour une information objective, car la pensée de l'individu ne peut être que libre, et c'est pour cela qu'elle doit être informée objectivement, dégagée de toutes contraintes et non orientée.

Car dans la société actuelle envahie par la presse et la télévision, il est nécessaire de se dégager, et de se soustraire au conditionnement du milieu et de notre époque par une analyse critique.

De cette analyse, il importe de dégager une ligne de conduite ayant pour unique objet: L'HOMME.

Nous venons de voir que la libre pensée est un mouvement apolitique, mais à titre individuel, un libre penseur peut-il faire de la politique et militer au sein d'un parti?

SANS HÉSITER, NOUS REPONDRONS OUI

Et à ce oui, il y a plusieurs raisons positives. Au sein de la libre pensée nous avons tous les mêmes buts, à savoir, cultiver la tolérance, la justice, la fraternité et respecter la liberté d’autrui.

Si un membre libre penseur milite clans un syndicat ouvrier, il sera tolérant avec ses camarades syndicalistes, qui n'auront pas les mêmes opinions religieuses que lui mais qui, au sein du mouvement syndical, défendent les mêmes droits que lui au-dessus de toutes opinions politiques, religieuses ou philosophiques.

Si un membre libre penseur, patron ou chef d'entreprise milite dans un syndicat patronal, ou dans un parti politique, avec l'idéal qu'il aura cultivé au sein de la libre pensée, il pourra discuter et régler toutes sortes de différents qui divisent employeurs et employés avec un esprit humaniste, c'est-à-dire avec un esprit d'équité et de justice.

Si un membre de la libre pensée fait de la politique au sein d'un parti quel qu'il soit, ce militant verra le devoir passer avant l'intérêt personnel; il fera de la politique, non pour se servir, mais pour servir la communauté; il devra être dans les affaires de la Cité un exemple de compréhension; il devra toujours rechercher, la justice, la liberté des citoyens, dans un esprit de tolérance et de fraternité, qui est l'esprit du véritable libre penseur.

La recherche d'une morale de l'espèce, la moralisation de la vie politique et sociale implique nécessairement que la liberté de conscience soit reconnue par les États et les groupes de pression en temps que principe inviolable de toute vie clans la Cité , dans la Nation et entre les Nations. Qui serait plus capable qu'un politicien libre penseur, pour défendre cette conception de justice et de liberté face à l'humanité?

Tous ces hommes et toutes ces femmes, venus d'horizons politiques et professionnels différents, d'éducations religieuses et idéologiques souvent diamétralement opposées, pour apporter leur bonne volonté, une partie de leur temps, leur réflexion et leur travail, c'est-à-dire leur " pierre " à l'édification d'une société plus libre, plus fraternelle, en un mot à une vie meilleure.

Nous devons être la société qui entraîne les hommes au dialogue là ou tant d'autres recourent à l'invective. Nous devons les amener à réfléchir et à comprendre au lieu de permettre aux divergences de se transformer en querelles. De cette façon, la tribu de tous ces apprentis sorciers qui prétendent offrir à l'humanité la solution presse-bouton définitive, n'aurait pas de place parmi nous, car elle n'y trouverait pas son compte.

Notre société d'aujourd'hui se caractérise par une remise en question de beaucoup de principes de structures et de systèmes, par la violence et par une confusion profonde des esprits devant le progrès foudroyant de la science et de la technique. Mais pour nous, libres penseurs, nous devons respecter les méthodes et les conceptions des autres, parce que nous sommes des femmes et des hommes du dialogue.

C'est par le dialogue, en écoutant les autres, en confrontant nos idées, que nous recherchons les points communs qui nous rapprochent, au lieu de rester étranger pour ne voir que ce qui est différent, et ce qui divise. Le libre penseur doit être là et lutter d'une façon pacifique, partout  où  la liberté de pensée et d'agir est en danger, car nous savons qu'aucun dogme ne pourra sauver la dignité humaine,

Nous devons continuer à penser et à croire que la libre pensée n'a pas perdu son temps quand elle a permis à des hommes et des femmes venus d'horizons et de milieux différents de se retrouver, de se connaître, de s'apprécier pour échanger des idées, pour dialoguer, au lieu de s'opposer dans la haine et de se combattre par la violence. Aujourd'hui, dans ce monde livré à l'inquiétude, à l'angoisse, et parfois à la désespérance, ce monde dont on se demande s'il ne va pas basculer dans on ne sait quelle barbarie, lorsque l'on voit dans toutes les parties du monde les religions chrétiennes, musulmanes et autres, s'affronter allègrement entre elles en faisant des milliers de victimes. Et cela au nom de leur foi et de leurs croyances religieuses, mais surtout au nom de leur Dieu personnel qui devrait être le même pour tous. Mais, face aux Églises en général et à l'Église catholique en particulier, notre position est claire.

OUI NOUS SOMMES POUR LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE

Aussi, face à l'appareil de l'Église catholique déconcerté par le torrent des évolutions scientifiques et politiques, et aussi de ses récentes, dangereuses et pitoyables déviations, l'attitude de la libre pensée - qui a joué un rôle actif et important dans la libération de la contraception et de l'avortement par exemple - est tournée vers l'avenir.

Et nous demeurons vigilants à toutes tentatives de l'Église, et même de toutes les Églises et de toutes les sectes, de faire reculer le progrès et la libération de l'humanité, avec de fausses apparences, qui seraient soi-disant libérales; mais seulement en apparence, afin de mieux asservir l'humanité d'une manière moderne, certes, mais afin de garder ses privilèges en maintenant le monde dans l'obscurantisme et l'intolérance.

Fidèle à  son passé, à son génie comme à sa tradition, la libre pensée doit continuer dans sa libre conscience et le libre examen, sa recherche et son oeuvre pour l'amélioration matérielle et morale, pour le perfectionnement intellectuel et social de l'humanité Les libres penseurs doivent s'éclairer mutuellement au sein de leur mouvement, et ensuite, en dehors de la libre pensée éclairer les personnes qui recherchent fa liberté pour l'amour de la vie.

LA LIBRE PENSÉE EN GÉNÉRAL, ET LE LIBRE PENSEUR EN PARTICULIER DOIVENT ÊCLAIRER L'OPINION ET NON LA FORGER

Je ne sais plus qui a dit:   "La liberté c'est une bulle de savon, et lorsque l'on pense l'attraper, elle éclate entre nos mains".

Pour un libre penseur, la liberté ne doit pas être une utopie, car la liberté de conscience, qui est la première des libertés, doit être inviolable, c'est-à-dire qu'elle doit être pour chacun d'entre nous, le droit de penser, pour nous donner la force de nous exprimer ouvertement, afin d'agir sans mutiler la liberté des autres.

Aussi, nous, libres penseurs, nous voulons une liberté de conscience psychologique, et 1'élaboration d'une morale laïque. Nous voulons le progrès de la science au service de l'homme, et non contre celui-ci.

La liberté de conscience, c'est Galilée affirmant sa confiance dans la science et dans son propre esprit face à des prélats obnubilés par 1'éventuelle perte de leur autorité aveugle. C'est Voltaire, luttant solitaire, contre un despote, pour faire reconnaître le droit de tous les hommes à la liberté de croyance et d'expression ainsi que leur droit à la justice.

Au "Connais-toi, toi-même", des classiques, nous ajoutons le "Décide toi-même", prend la responsabilité de tes actes face à tes contemporains, tes frères. Les irresponsables, ne sont pas des hommes libres. De nos jours, le libre penseur, ce n'est pas celui qui méprise le croyant, ce n'est pas celui qui veut violenter les consciences, maintenues par les vieilles traditions, ou les superstitions ancestrales, car la première qualité du libre penseur doit être la tolérance, ce n'est pas haïr telle ou telle Église ou ses représentants, car le libre penseur lutte contre de faux enseignements et contre I'obscurantisme, et non sur le plan charnel contre des hommes.

L'idéal du fibre penseur, c'est de refuser aux religions qui passent, le droit d'asservir I'humanité qui dure.

Or, j'entends l'affirmer : lutter pour la liberté, c'est lutter pour une des principales qualité de la vie, et la qualité de la vie a été de tout temps une revendication des libres penseurs; la qualité de la vie en société certes, mais aussi et surtout la qualité de la vie personnelle de chaque individu, et pas seulement de nos jours, du fait que cela est une sorte de mode revendicative moderne.

Nous, libres penseurs, nous ne pensons pas que la science seule, et que la technique, aussi avancées soient elles et encore moins les discours idéologiques ou théologiques, de quelles religions que ce soit, chrétiennes ou autres, puissent donner à l'homme d'aujourd'hui ce qu'il cherche et lui apporte ce dont il a soif.

L'homme, à notre époque, comme dans le passé, ne peut ni s'améliorer, ni se sauver (et il ne s'améliorera et ne se sauvera) que s'il parvient à découvrir en lui par son travail intellectuel et moral, cette dimension spirituelle qui fait de lui un homme véritable c'est-à-dire, un homme majeur et libre.

L'association de la libre pensée, doit offrir à tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté, épris de justice et de tolérance, non seulement un cadre, mais aussi un outil qui peut conduire à l'approfondissement intérieur, qui permettra  à chacun de découvrir et d'imaginer  lui même un chemin, SON PROPRE CHEMIN, vers plus d'harmonie et de sagesse, qui conduira vers une société meilleure, c'est-à-dire, VERS UNE VIE MEILLEURE.

Alors que tant de nos contemporains débordés par les impératifs de la vie moderne ne savent plus libérer quelques heures dans le temps de leur vie, des libres penseurs dans le monde doivent savoir volontairement sacrifier ces quelques heures pour venir, dans le calme, et la dignité, s'instruire, s'interroger, dialoguer avec tolérance, dans la liberté et la fraternité.

Longue vie à l'association suisse des libres penseurs! Vive l'Union mondiale des libres penseurs.