Sans
voile, mon corps m'appartient !
Nadia Amiri
À ceux qui par leur silence complice ou leur soutien au voile dans les services publics utilisent leur bonne conscience et leur "tolérance" comme cache-sexe de leurs erreurs et de leurs abdications passées.
Dans le passé, ils disaient et soutenaient le mot d'ordre : "Mon corps m'appartient". Certains n'ont pas vu le temps passer et l'utilisent encore (si, si !) comme justifications de leurs petites pulsions.
Quand je dis que mon corps m'appartient, c'est que je sais dans mon corps et dans ma mémoire ce que cela signifie ! De générations en générations, les femmes de nos familles nous ont transmis leur aliénation derrière leurs silences et leurs paupières baissées, dans leurs pudeurs de femmes battues et polygamisées, contrôlées dans leurs déplacements, faits et gestes disséqués par le regard patriarcal. Tous les hommes sont nos pères quand il s'agit d'oppresser, de dénoncer cette jupe trop courte, ces longs cheveux au vent, les vibrations de nos corps et les marches rythmées de nos hanches dans les rues de Paris.
Vous défendez les droits de celles qui se soumettent librement à des pratiques archaïques et rétrogrades. Vous êtes même soutenus par les pays musulmans les plus antidémocratiques, ceux qui instituent la charia et la sunna comme pratique législative.
Et si nos combats contre le voile dérangeaient ces pays, si nos combats étaient soutenus par les femmes à qui on impose le voile là-bas ? Vous n'en reviendriez pas, encore une fois, comme ce fut le cas le 21 avril.
Vous avez, sous prétexte d'antiracisme et d'anti-néocolonialisme, apporté un soutien aux plus obscurantistes des musulmans, alors que la majorité non voilée, athée, agnostique, voire croyante, pensait pouvoir compter sur vous pour une société de progrès. Vous retournez vos gants pour défendre le contraire de ce que vous défendiez dans le passé. Votre nouveau mot d'ordre est : "Liberté Égalité Fraternité pour les voilées !".
Que chacun reste à sa place et les idéologies seront bien gardées ! C'est épuisant, ces féministes qui veulent à tout prix préserver leur dignité et affirmer la constance de leur libération !
Notre parole serait moins audible que la parole de celles qui se soumettent aux dogmes religieux et cachent leurs cheveux et leur corps ? C'est tellement émouvant et rafraîchissant pour vous d'avoir un nouveau combat à soutenir, et qui plus est celui de "jeunes filles" voilées !
Notre féminité affirmée et visible est aussi le résultat de vos combats passés : planning familial, droit à l'avortement, à la contraception, à la protection judiciaire.
Vos mémoires seraient-elles défectueuses ? Pourquoi ne faites-vous pas le lien entre vos revendications passées et ce que la majorité d'entre nous sommes devenues ? Vous nous trahissez encore une fois sous prétexte que la loi exclut et serait raciste et colonialiste. Je suis arabo-berbère et mon père a été torturé par les militaires français !
Que savez-vous de l'islam ? Que savez-vous de pratiques qui ne trouvent leurs sources dans aucun texte et qui datent des temps préislamiques.
Depuis les années 1970, vous disiez vouloir des femmes libres, vous vouliez changer le monde. Nous sommes des femmes libres et souhaitons encore, nous, enfants des deux rives, changer le monde et tout particulièrement celui de nos soeurs qu'on insulte tous les jours en France si elles n'intègrent pas les codes de l'oppression. Et parce qu'il n'y a pas de frontière, nous combattons le code de la famille en Algérie qui institue depuis vingt ans un statut de mineures à vie pour les femmes.
Je ne doute pas que vous serez
pour ce combat- là. Mais il y a
Nous voulons tisser l'avenir avec le politique et non avec le culte. Vos comités de vigilance contre les partis d'extrême-droite et les intégrismes religieux sont bien silencieux devant les manipulations dogmatiques.
Vous pensez que les filles voilées sont des boucs émissaires, mais que savez-vous des fausses victimes qui sont de vrais bourreaux, ou tout au moins qui contribuent à soutenir les dictateurs qui appliquent les codes religieux jusque sur nos terres ? Derrière le voile, il y a le refus de la mixité, le mépris des femmes.
Vous pensez que l'école laïque offre des chances d'égalité alors que pendant des dizaines d'années vous n'avez jamais transmis dans vos classes la beauté, le savoir, la culture arabo-berbère. Si ces jeunes femmes fréquentaient Saint-Nicolas-du-Chardonnet, vous seriez déjà des milliers dans la rue à défendre la laïcité, alors que nous qui pratiquons la liberté absolue de conscience sommes à vos yeux les intégristes d'une République qui serait raciste et néo-colonisatrice.
Alors, comme l'ont fait dans le passé les "salopes" qui déclaraient avoir avorté, j'affirme que, moi et mes amies, nous sommes les "nouvelles salope " non voilées qui fréquentons tous les lieux mixtes sans que cela pèse sur nos consciences. Je me battrai encore et toujours avec la majorité des enfants de migrants qui refusent d'être désignés par une appartenance cultuelle, réelle, présumée ou reconstruite au gré de vos lâchetés. Nous, les " nouvelles salopes ", heurtons vos habitudes et vos convictions parce nous déclarons que nos corps nous appartiennent.
L'avenir sera celui de la réaffirmation de l'égalité des droits pour une République démocratique, laïque et sociale, et nous en serons les Mariannes à la peau mate, celles qui sont la cible du FN, enfants de la guerre de Libération, de toutes les libérations.