Une pression croissante contre moi
Lettre ouverte de Joëlle Aubron au directeur du centre de détention de
Bapaume et à la direction de l'administration pénitentiaire, parue le mercredi
09 juin 2004 dans Libération.
Mesdames, Messieurs,
Cela fait des années que je vous connais personnellement et à travers les expériences
de compagnes et compagnons de galère. Après tout ce temps, je pensais avoir
cerné ce dont vous êtes capables. Aujourd'hui, je dois noter avoir encore
quelques découvertes à faire quant à votre petitesse. Considérant qu'elle
est, au bout du compte, exemplaire de vos pratiques à l'encontre des
prisonniers en général, et des militants politiques en particulier, je vous
adresse une lettre ouverte.
A la base des récentes découvertes, il y a d'avoir subi une grave intervention
chirurgicale, d'être atteinte d'un cancer dont la lésion primaire n'a pas été
retrouvée et d'avoir demandé, en conséquence, à bénéficier d'une
suspension de peine. Tout cela pourrait ne pas concerner directement les
services de l'administration pénitentiaire, sauf que c'est cette même
administration pénitentiaire qui, ces dernières semaines, exerce une pression
croissante contre moi. Pour ne donner que quelques exemples:
1. Alors que j'étais hospitalisée pour des séances de radiothérapie, la
direction régionale organise une saisie de photos dans ma cellule.
2. Quand je revins, je constatai
que mes conversations téléphoniques, outre d'être écoutées, sont prises en
notes, y compris celles avec mon avocat et ce qui concerne mon état de santé.
3. Ce souci de notes entraîne
une interdiction de parler en allemand avec des visiteurs et visiteuses
allemands, quelle surprise !
4. De soucis passablement
abscons de la direction régionale vint la saisie de mes T-shirts et posters se
référant à Action directe.
5. Ce qui entraîna la saisie de
photos ou de tels T-shirts figuraient.
Pendant ce temps, les abus dans l'acheminement de ma correspondance ne cessent
de croître. Les semaines où je m'épargne d'adresser un courrier
protestataire, la direction du centre de détention s'épargne, elle, de me
faire suivre correctement le courrier, chiffres à l'appui. Le 3 juin, elle dégaine
une parade : "Compte tenu du nombre élevé des courriers expédiés et reçus,
notre contrôle n'est pas toujours régulier. (...) Certains courriers nécessitent
un contrôle par une autorité supérieure, d'où un délai plus long de contrôle."
Et pendant ce temps, la pression monte.
Comparées à certaines exactions commises dans les prisons, ces pratiques sont
bénignes. Elles disent néanmoins une indécence et un acharnement valant la
peine d'être signalés dans ce contexte où n'importe qui sait l'importance du
stress dans le cancer.
Joëlle Aubron, centre de détention de Bapaume (62)
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