Poésie - Suite |
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Je ne suis pas d'acier, de pierre
avec toutes mes
excuses
Ma prison est de silence
de non-dit
de non-entendu
de non-répondu
A travers ses barreaux mon regard scrute l'abîme du non-étant
Ni soleil
Ni nuit
Ni couleur
Ni son
Rien
ou plus exactement le non-rien
le vide
Parfois
comme une bulle remontant du fond d'un étang oublié
un souvenir explose à la surface de ma mémoire
Celui de ces aurores de matin calme
qui
même si elles étaient nées de nuits agitées, voire tourmentées, orageuses, sismiques
blanches, multicolores, fumeuses…
de ces nuits prises de folie au point de se prendre pour des jours
célébraient cette beauté si simple
et pourtant si cosmique
celle de la bonté du partage
d'un sourire
d'une main
d'un rire
d'un sourire
d'un silence
du silence plus éloquent qu'un discours
Alors
pensif
je me demande pourquoi mes pensées
surtout celles travesties de rêves
pâles rayons de ce qui fut mon espérance
s'acharnent à m'inviter à gravir l'escarpement grotesque de ma quotidienneté
quand le quotidien
n'est plus le chemin parcouru entre deux instants
mais une attente
de ce qui ne sera pas
puisque plus rien ne peut être
quand le non-être n'est plus seulement un masque
une apparence
mais l'en-soi
le squelette d'une
illusion
Ma prison
est celle dont on ne s'échappe pas
puisqu'elle est celle de l'exil
Exil des autres
Exil par les autres
Mais aussi exil de soi-même
Ma prison
est un univers
dont on ne sait s'il est kafkaïen
ubuesque
mais qui ne cesse de grandir
comme cette révolte en moi
et personne ne devine
parce que
Ma prison est de silence
de non-dit
de non-entendu
de non-répondu
A travers ses barreaux mon regard scrute l'abîme du non-étant
Ni soleil
Ni nuit
Ni couleur
Ni son
Rien
ou plus exactement le non-rien
le vide
Je sais que je peux m'évader de cette prison
d'ailleurs à quoi bon
pour aller où
si ce n'est une autre prison
puisqu'elle est mon effacement par les autres
et que dans l'annuaire des vivants
je ne suis plus qu'une page presque blanche
vide
déjà en train de jaunir de l'oubli de celles et de ceux
qui
assurément par mégarde
l'ont tant soit peu écrite ou lue avec moi
la page d'une vie en train de s'effacer
S'effacer soi-même plutôt que d'être effacé
n'est-ce pas la forme ultime de la révolte d'un homme libre
qui
en s'anéantissant
affirme son être
au moment même où
refusant le non-être dans lequel il a été enfermé
il va pouvoir être une dernière fois
juste le temps d'être illuminé de la douceur de la dernière aurore d'un dernier regard
le sien
13/03/02
Depuis cette première nuit qui enveloppa à jamais
Un humain qui s'imaginait jusqu'alors
Immortel
On chante la mort
Ou on la pleure
La craint
La supplie
La peint
La rêve
La conjure
L'évoque
L'invoque
La fuit
L'admire
L'adore
La provoque
La courtise
La vénère
La divinise
La personnalise
La symbolise
La mortifie
L'incarne
L'idéalise
La mort
Avec un grand M comme pour mieux oublier qu'elle est d'abord
Une mort
La mort de l'un-e ou de l'autre
Mais comme si avec cette majuscule
Elle n'est pas
Ne sera pas
Ne pourra pas être ma mort
Avec cette majuscule du pluriel
Celui des tueries collectives
Des massacres
Des génocides
Des croisades
Des représailles
Des conquêtes
Qui est une deuxième mort
Celle des anonymes
Trophées
Ou simples accessoires
Du héros mortifère
La mort est ainsi une fin
Un passage vers un ailleurs que l'on ne gagne qu'au prix de sa vie
Un au-delà qui n'est jamais qu'un nulle part
Un autre temps qui est celui du néant
Ou bien encore une peine
Une erreur
Une injustice
Une justice
Une récompense
Un péage
Une vengeance
Une désolation
Une correction
Un ralliement
Un voyage
Un trépas
Elle est toujours
Quelque chose
Jamais rien
Un simple aléa
Un banal incident
Un non évènement
Un vacarme silencieux
Un mouvement invisible
Un rien donc
Et sûrement pas la vie de
La mort
Quand il n'y a que la vie réelle
Ou
Rien
Pourtant
Une mort
Cela peut aussi être une fête
Non la fête de la mort
Ou celle du mort
Mais celle que font celles-ceux
Qui
Simples vivant-e-s
En somme
Continuent de vivre
Et dans l'instant de cette fête
Partagent ensemble
Le plaisir d'être ensemble
Et font leur
Les souvenirs
Individuels ou communs
De tout ce qu'ils ont partagé
Avec celui-celle qui a cessé de vivre
Je voudrais que ma mort soit une fête
Une foutue fête
De rires
De fous rires
De rires fous
De chants
De musique
De plaisirs
De réjouissances
De liesse
Une sacrée mécréance
Une symphonie de blasphèmes
De bons mots
Un poème improvisé au mitan d'une table
Scandé d'éructations d'allégresse
De ripaille
De paillardise
De beuverie
De fumerie
Jusqu'à satiété épuisante des fétard-e-s
Et que ma mort disparaisse
À jamais
Dans l'endormissement de leurs corps repus
Et l'envol de leurs rêves
17 août 2002
Je ne suis pas d'acier, de pierre
mais de chair
Une chair pensante
(re)sentante au hasard de mes coups de cœur
qui
parfois
me font pousser des gueule
mais
plus souvent encore
me font souffrir d'une souffrance indicible
parce qu'elle est de silence
le silence de l'indifférence des autres
Telle Don Quichotte
ma raison charge les sentiments qui m'envahissent
pour les chasser de l'univers clos de ma solitude
pour les bouter hors du ressenti
Mais
toujours
ce sont eux qui reviennent à la charge
et qui
à chaque fois
me livre
faible et démuni
à la froideur de l'égoïsme
de celles-ceux
qui ne voient en moi
que l'utilité qui'ils-peuvent en tirer
pour satisfaire leurs besoins
Je ne suis pas d'acier, de pierre
et
pourtant
tel un brasier
je me consume de désespérance
de cette attente qui n'en finit plus
à force d'être silencieuse, invisible, inaudible
Au loin
les fracas de la fête
résonnent dans ce qui est ma nuit
et qui
là-bas
est le jour
Je ne suis pas d'acier, de pierre
mais de chair
Une chair pourrissante
Une chair vivante
qui est le tombeau, la prison d'une vie oubliée, ignorée
Moi
19 avril 2003
Le silence frappe à la porte
Qui est-ce, demandé-je
Pas de réponse
Le silence frappe à la porte
Qui est-ce, redemandé-je en haussant la voix
Toujours pas de réponse
Le silence frappe à ma porte
J'ouvre la porte
Personne
Je scrute la nuit de toutes parts
Personne
Je rentre
Et à nouveau le silence frappe à la porte
Je rouvre
Appelle
Personne
Rien
Le silence
Rien, vraiment rien ?
Non, l'indifférence
Cette indifférence de personne
qui fait que je deviens personne
autrement dit
rien
Et le rien que je suis
étouffé par le silence de l'indifférence
se fait silence
Mais un silence qui ne s'en va pas frapper à une porte
Un silence
qui est
rien
ou
à vrai dire
rien d'autre que l'écho
de l'indifférence
19 avril 2003
l'indicible
Comment trouver
ou inventer
des mots qui pourraient dire ce qui ne peut être que ressenti
vécu
Comment faire parler les sentiments
En les affublant de mots qui ne les travestiraient pas
qui ne les cacheraient pas
qui ne les violenteraient pas au point de les faire paraître ce qu'ils ne sont pas
Comment dire son mal-être
dans le vacarme
dans le brouhaha
de l'indifférence de la foule aveugle et sourde
Comment appeler au secours
quand on est muet d'impuissance
Dire
l'indicible
Comment écrire ce qui ne peut être lu
parce qui doit être lu est au-delà des mots
entre les lignes
derrière la page
Dire
l'indicible
Comment parler
à l'Autre
aussi bien qu'à soi
quand on est devenu muet à force d'incompréhension
d'indifférence
d'oubli
de dédain
Dire
l'indicible
Et pourquoi vouloir dire
quand
en définitive
il n'y a rien à dire
puisque rien n'a jamais été dit
20 avril 2003